7.- LE CERVELET
7.1.- Fonctions générales
Le cervelet est un centre nerveux régulateur de la fonction motrice, au sens large (mouvement + posture + équilibre).
Il reçoit des informations de tous les segments du névraxe (moelle épinière, tronc cérébral, cerveau). Il traite ces informations pour donner, aux programmes moteurs du mouvement, une organisation chronologique et somatotopique (organisation temporo-spatiale). Il assure ainsi la régulation :
a) - des activités musculaires du mouvement volontaire global
b) - des activités musculaires toniques de la posture
c) - des activités musculaires réflexes du maintien de l’équilibre.
7.2.- Situation du cervelet
Il est placé dans la fosse crânienne postérieure ou fosse cérébelleuse de la boite crânienne. Il est disposé sous une forte toile fibreuse dépendant de la dure-mère et appelée la tente du cervelet. Pour lui-même il est recouvert par les 3 méninges classiques. Il est entouré par l’espace sous-arachnoïdien contenant le liquide céphalo-rachidien. Autour du cervelet, cet espace constitue des cavités plus vastes appelées : citernes.
Dans cet espace étroit et rigide, les pathologies expansives (vasculaires, infectieuses et surtout, tumorales), ont un retentissement rapide sur le tronc cérébral.
7.3.- Développement et subdivision fonctionnelle (Phylogenèse)
Au cours de l’évolution des lignées animales on distingue l’apparition successive de 3 parties différentes au niveau du cervelet : archéocérébellum, paléocérébellum et néocérébellum.
a) - Archéocerebellum. Ce cervelet fait son apparition pour la première fois chez les poissons. L’archéocerebellum est formé d’un nodule médian accompagné de deux parties latérales appelées flocculus. L’ensemble constitue le lobe flocculo-nodulaire. Fonctionnellement il est en rapport avec les voies nerveuses de l’équilibration. Il est aussi présent et fonctionnel chez l’homme.
b) - Le paléocerebellum. Il se superpose progressivement au précédent chez les amphibiens, les reptiles et les oiseaux. Il comprend surtout la partie axiale du cervelet appelé vermis.
Fonctionnellement le paléocerebellum est en connexion avec la moelle épinière et le tronc cérébral. Il participe aux régulations des activités musculaires de la posture (statique et dynamique), par adaptation du tonus musculaire. Il est aussi présent et actif chez l’homme.
c) - Le néocerebellum. Il se superpose progressivement aux précédents (qui sont conservés et fonctionnels) chez les mammifères. Il est spécialement volumineux chez les primates et surtout chez l’homme.
Il est constitué par les hémisphères cérébelleux. Au plan fonctionnel, il assure la régulation des activités musculaires du mouvement volontaire global.
7.4. -Morphologie externe S.85
Comme son nom l’indique c’est une sorte de petit cerveau qui est situé à la face postérieure du tronc cérébral. Il est en connexion avec la moelle allongée, le pont et le mésencéphale par l’intermédiaire des pédoncules cérébelleux inférieur, moyen et supérieur.
Il est composé d’un lobe médian appelé vermis et de deux lobes latéraux très volumineux
les hémisphères cérébelleux ou lobes cérébelleux. Il existe en plus un petit lobe antérieur à disposition transversale appelé lobe flocculo-nodulaire.
7.5.- Morphologie interne
S.87
Le tissu nerveux du cervelet se présente sous 3 aspects :
– a) - une substance grise périphérique, très plissée, appelée écorce cérébelleuse
– b) - une substance blanche, en situation profonde.
– c) - des noyaux gris centraux de substance grise.
a) - l’écorce du cervelet : les cellules principales de l’écorce sont de grandes cellules en forme de poire, appelées cellules de Purkinje. Elles sont en relation synaptique avec les fibres nerveuses afférentes au cervelet et avec des cellules d’association.
b) - la substance blanche : elle contient les fibres nerveuses myélinisées.
Certaines sont efférentes. Ce sont les axones des cellules de Purkinje. Elles se rendent aux noyaux gris du cervelet. D’autres fibres sont afférentes, elles viennent de toute la hauteur du névraxe, de la moelle épinière, du tronc cérébral et du cerveau. Elles s’articulent avec les dendrites des cellules de Purkinje.
c) - les noyaux gris centraux : ils sont au nombre de 4 de chaque côté de la ligne médiane :
– le noyau du toit ou noyau fastigial appartient au système de l’archéocerebellum
– le globulus et l’embolus sont des noyaux gris qui appartiennent au système du paléocerebellum.
– le noyau dentelé (appelé aussi noyau denté) situé au milieu de chaque hémisphère cérébelleux, appartient au système du néocerebellum.
7.6.- Systématisation et fonctions du cervelet
7.6.1.-Systématisation de l’archéocerebellum (lobe flocculo - nodulaire)
S.88
Cette portion du cervelet assure la régulation des mécanismes musculaires qui permettent le contrôle de l’équilibre. L’information sensorielle se rapportant à l’équilibre provient des plages cellulaires sensorielles de l’appareil vestibulaire (crête acoustique des canaux semi-circulaires et macules acoustiques du saccule et de l’utricule) (La lésion de ces appareils provoque une ataxie vestibulaire, avec signe de Romberg).
Les neurones qui font suite à ces corpuscules sensitifs voyagent dans le nerf vestibulaire (VIIIème paire des nerfs crâniens) qui pénètrent dans la moelle allongée pour atteindre le noyau vestibulaire.
Le noyau vestibulaire, situé dans les angles latéraux du 4ème ventricule, est en fait constitué lui-même de plusieurs noyaux accolés. Les fibres nerveuses qui quittent ce noyau, pénètrent dans le cervelet par le pédoncule cérébelleux inférieur et atteignent le cortex du lobe flocculo-nodulaire. Les neurones suivants atteignent le noyau du toit (du toit du 4ème ventricule) ou noyau fastigial, puis se réfléchissent à nouveau dans le pédoncule cérébelleux inférieur pour retourner au noyau vestibulaire. Le noyau vestibulaire donne alors dans la moelle deux voies extra-pyramidales, le faisceau vestibulo-spinal direct et le faisceau vestibulo-spinal croisé. Il est logique de penser que la destinée de ces fibres motrices extra-pyramidales concernent en définitive la modulation des activités musculaires qui sont impliquées dans le maintien de l’équilibre, très principalement les muscles axiaux (muscles spinaux), muscles des ceintures et des membres inférieurs. Ce système peut être appelé : voie extra-pyramidale archéo - motrice. (Notion d’ataxie cérébelleuse).
Physio-pathologie et séméiologie de l’archéo-cérébellum :
Oscillations à la station debout, tendance à la chute. Cette instabilité est aggravée par la position des pieds rapprochés (marche en « tandem » impossible).
Marche irrégulière avec jambes et bras écartés. La marche est ébrieuse, en zig - zag.
Essais de correction permanente de l’équilibre par les contractions des muscles antérieurs de jambe : signe de « la danse des tendons ».
7.6.2. - Systématisation du paléocerebellum. (Vermis) S.89
Cette portion correspond au vermis et à la partie adjacente des lobes latéraux. Le paléocerebellum assure la régulation des contractions musculaires qui concernent les activités posturales, statiques et dynamiques (c’est-à-dire, au cours du mouvement). Ce sont des activités motrices automatiques.
Les voies d’information périphériques, afférentes au cervelet, sont le faisceau spino-cérébelleux direct - anc. faisceau de Fleichsig - (pour les membres inférieurs et le tronc) et le faisceau spino - cérébelleux croisé - anc. faisceau de Gowers - (pour les membres supérieurs).
Ces voies informent le cervelet de l’état du tonus musculaire périphérique. Elles apportent les informations proprioceptives nécessaires aux modulations du tonus musculaire dans l’exécution du mouvement normal (support postural du mouvement).
Le faisceau spino-cérébelleux direct pénètre dans le cervelet par le pédoncule cérébelleux inférieur et atteint le cortex cérébelleux de la région vermienne. Les neurones suivants se réfléchissent sur le globulus et l’embolus.
Ils s’articulent à ce niveau avec des neurones efférents qui quittent le cervelet par le pédoncule cérébelleux supérieur et atteignent le noyau rouge (paléorubrum). Ce dernier donne naissance à une voie motrice extra-pyramidale (faisceau rubro-spinal) qui descend verticalement dans le tronc cérébral après croisement de la ligne médiane, puis dans la moelle épinière.
Le faisceau spino-cérébelleux croisé monte verticalement dans le tronc cérébral et pénètre dans le cervelet par le pédoncule cérébelleux supérieur, se réfléchit au niveau du cortex de la région vermienne, puis au niveau des noyaux gris centraux, globulus et embolus. Comme pour les précédents, les voies efférentes quittent le cervelet par le pédoncule cérébelleux supérieur et atteignent le paléo-rubrum, qui donne le faisceau rubro-spinal.
On peut formuler l’hypothèse que cette voie motrice extra-pyramidale est impliquée dans l’innervation des muscles qui participent au maintien du support postural des segments de membres au cours du mouvement, c’est à dire très principalement aux groupes musculaires mono - articulaires.
En complément de ce système, il existe une seconde voie extra - pyramidale, concernant la motricité automatique, provenant du striatum, et se projetant sur les noyaux sous-opto-striés et sur la réticulée facilitante (réticulée pontique) qui donne dans la moelle le faisceau réticulo-spinal médian. Ce système peut être appelé : voie extra - pyramidale paléomotrice.
Physio - pathologie et séméiologie du paléocerebellum :
Hypotonie cérébelleuse avec troubles du tonus postural :
Il existe une inefficacité des muscles antagonistes du mouvement. L’hypotonie des antagonistes se traduit par l’amplitude des mouvements passifs (ballant des avant-bras, des mains, avec sensation de main de caoutchouc). Elle se recherche par la man�uvre de Stewart Holmes : flexion contrariée des avant-bras, contre forte résistance. Le relâchement soudain de la résistance entraîne une exagération de la flexion, et le patient se frappe la poitrine.
Perte des réflexes normaux de la posture : le patient ne décolle pas les talons du sol en s’accroupissant.
7.6.3.- Systématisation du néocerebellum.
S.90
Ce système, constitué très principalement par les hémisphères cérébelleux, assure la régulation du déroulement du mouvement volontaire global. L’information du projet moteur provient de l’aire motrice supplémentaire et des aires motrices associatives (6, 5, 7, 21 et 22). L’ensemble de ces aires extra-pyramidales corticales donne les voies cortico-pontiques (faisceaux fronto-pontique, temporo-pontique, pariéto-pontique). Les axones de ces voies atteignent le pont et font synapse avec le corps cellulaire des neurones ponto-cérébelleux, à disposition transversale. Ces derniers pénètrent dans le néocerebellum par le pédoncule cérébelleux moyen et atteignent le cortex des hémisphères cérébelleux. Ils se réfléchissent sur le noyau dentelé. A ce stade, les fibres nerveuses quittent le cervelet par les pédoncules cérébelleux supérieurs et constituent deux boucles de rétro - action
a - Boucle de régulation du mouvement volontaire global :
Les fibres efférentes du cervelet retournent au cerveau par le pédoncule cérébelleux supérieur, les unes par trajet récurrent direct, les autres par réflexion sur le néo - rubrum. Elles font relai dans les noyaux moteurs du thalamus (noyaux latéro - ventraux antérieur et intermédiaire). Elles atteignent les petites cellules pyramidales de l’aire 4 du cortex cérébral, dont les axones descendent dans le névraxe à l’intérieur de la voie pyramidale.
Ces fibres se mêlent aux fibres pyramidales qui proviennent de l’aire 4 et traversent ainsi la capsule interne. Elles atteignent les noyaux réticulaires inhibiteurs de la moelle allongée. C’est la voie cortico - réticulo - spinale à fonction inhibitrice.
Ainsi, un foyer hémorragique dans la capsule interne ou un infarctus cortical, entraîne l’interruption des fibres motrices pyramidales (paralysie motrice) et des fibres cortico - réticulo - spinales (incluses dans le faisceau pyramidal). Ces dernières sont inhibitrices du réflexe myotatique et leur interruption est responsable de la spasticité.(Pierrot - Desilligny).
On voit ainsi que la structure de la voie pyramidale est hétérogène. Elle contient des fibres qui proviennent de cellules motrices différentes (grandes et petites cellules pyramidales).
Globalement, il existe là une boucle d’organisation préliminaire et de régulation du mouvement volontaire, dont l’activité (enregistrable en neuro - physiologie) précède le déroulement apparent du mouvement.
b - Boucle de régulation des activités musculaires cervico - faciales
Une seconde boucle se déroule uniquement au niveau du tronc cérébral, régulant les fonctions des muscles de la face, du voile du palais, du pharynx et même du diaphragme. Les fibres efférentes du néo - cervelet gagnent le néo - rubrum contra - latéral, puis l’olive de la moelle allongée (olive bulbaire), par le faisceau tegmental central (F. central de la calotte).
Les fibres efférentes forment le faisceau olivo - cérébelleux qui fait retour au néo - cérébellum. Cet ensemble est appelé « triangle de Guillain - Mollaret ». Une lésion sur son trajet, derrière l’olive ou au niveau du faisceau central de la calotte (f. tegmental central) se traduit par des myoclonies du voile du palais (ex : Syndrome de Wallenberg).
Physio-pathologie et séméiologie du néocerebellum :
Troubles de l’exécution des mouvements volontaires globaux par perte de l’organisation temporo - spatiale du mouvement :
Troubles dans l’espace :
– dysmétrie avec hypermétrie (test de l’index porté sur la pointe du nez).
– asynergie : mauvaise coordination motrice. Le mouvement n’est plus lié. Il est décomposé. De plus, il existe une mauvaise répartition du tonus dans les muscles anti-gravitaires .
Troubles dans le temps :
– dyschronométrie : retard à la mise en route et à l’arrêt du mouvement.
– adiadococinésie : impossibilité de faire des mouvements associés rapides, en raison de la désynchronisation temporo - spatiale (épreuve « des marionnettes »).
– tremblement intentionnel : Il est important dans la posture et dans le mouvement, avec majoration émotive. Il est absent au repos.
Pathologie générale du Cervelet :
Qu’elle soit diffuse ou en foyer, la pathologie du Cervelet ne respecte pas étroitement les subdivisions systématiques décrites ci - dessus. La pathologie dégénérative ou expansive concerne la totalité de l’organe, par lésion directe ou compressive, mais on retrouve dans le syndrome global, les éléments déjà décrits.
De ce fait, le syndrome cérébelleux se caractérise globalement par l’association des :
– troubles de l’équilibre
– troubles du tonus musculaire postural, avec hypotonie
– troubles de l’exécution du mouvement global
En conséquence, le patient cérébelleux a des gestes maladroits (il se cogne, laisse tomber les objets etc...).Il exécute difficilement les gestes fins et précis. Son écriture est irrégulière dans le sens horizontal (espace entre les mots) et dans le sens vertical (amplitude des lettres). Sa parole est aussi irrégulière, lente et accélérée, souvent explosive.
En considérant l’organisation de chacune des 3 parties du cervelet on voit que les fibres à destinée cérébelleuse décrivent pour chaque système une boucle particulière qui fait retour au névraxe. Il existe ainsi une boucle de régulation cérébelleuse archéo - motrice, paléo - motrice et néo - motrice.
Ces boucles assurent la régulation temporo - spatiale du mouvement, c’est à dire la programmation somatotopique et chronologique du recrutement des muscles nécessaires au mouvement, et la régulation de leur tonus.
La disposition en boucles des grandes voies nerveuses est une organisation très générale du Système nerveux central qui fonctionne comme un système asservi, (ou systèmes subordonnés les uns aux autres) c’est à dire, avec auto-contrôle et auto-régulation.
Les boucles cérébelleuses sont les plus complexes et les plus démonstratives, mais la boucle la plus élémentaire du système nerveux central est le réflexe myotatique (boucle gamma) dans la moelle épinière.
En bref, on voit que le cervelet est un organe régulateur de la fonction motrice, intégrant et traitant les informations qui lui proviennent soit de la moelle, soit du tronc cérébral, soit du cerveau.
Pr Gérard Outrequin - Dr Bertrand Boutillier - Toute reproduction interdite
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